Skip to main content

Commentaires sur l’arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne CJUE le 15 mars 2011, arrêt KOELZSCH / L’Etat du Grand-Duché du Luxembourg. affaire C-29/10.
L’affaire est doublement intéressante.

La question préjudicielle posée à la Cour de Justice de l’Union, concernait la Loi applicable au contrat de travail, d’un chauffeur de poids lourds accomplissant des transports internationaux, dans le cadre d’une action en responsabilité engagée par le salarié, Monsieur KOELZSCH, contre le Grand-Duché du Luxembourg, tenu responsable de la violation de la Convention de ROME par ses autorités judiciaires.

A l’époque des faits, la Convention de ROME du 19 juin 1980 sur la Loi applicable aux obligations contractuelles était encore applicable.

L’article 6 de ladite Convention au paragraphe 1 prévoyait :

« Le choix par les parties de la Loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection des dispositions impératives de Lois applicables à défaut de choix ».

Le paragraphe 2 détermine cette dernière, en distinguant deux hypothèses (sous réserve d’une clause d’exception) :

– en principe, la Loi applicable est celle du lieu d’exécution du contrat (article 6 § 2 sous a),
– dans l’hypothèse où le travail n’est pas exercé dans un même Etat, la Loi applicable est celle du Pays de l’établissement d’embauche (article 6 § 2 sous b).

En l’absence de choix, le paragraphe 2 désigne la Loi du pays dans lequel le travailleur accomplit habituellement son travail, où à défaut « à partir duquel le travailleur accomplit ledit travail ».

Ce n’est que dans l’hypothèse où la Loi ne peut être déterminée en application du paragraphe 2 que l’on se réfère à la Loi de l’établissement d’embauche.

oOo

En l’espèce, un chauffeur poids lourds domicilié en Allemagne a été embauché comme chauffeur international par une entreprise luxembourgeoise.

L’objet principal du travail consistait dans le transport de fleurs à partir du Danemark, vers des destinations le plus souvent allemandes, mais aussi dans d’autres pays européens.

Les camions étaient stationnés en Allemagne où l’entreprise GASA ne disposait pas de siège social ou de bureau, lesdits camions étaient immatriculés au Luxembourg, siège social de l’entreprise.

La Loi applicable au contrat de travail et dont il était fait référence dans ledit contrat était la Loi Luxembourgeoise, les salariés étant affiliés à la Sécurité Sociale Luxembourgeoise.

Une clause attributive de juridiction donnait également compétence aux juridictions luxembourgeoises.

En janvier 2001, une restructuration a conduit les salariés à créer une délégation du personnel dont Monsieur KOELZSCH était membre suppléant.

En mai 2001, Monsieur KOELZSCH a été licencié économique et a d’abord saisi les juridictions allemandes qui se sont déclarées incompétentes du fait de la clause attributive de juridiction.

Les Juges luxembourgeois ont considéré que la Loi Luxembourgeoise était celle applicable.

La Cour de Cassation de Luxembourg en 2006 a confirmé les décisions rendues par les juridictions luxembourgeoises.

oOo

Monsieur KOELZSCH a alors engagé une action en responsabilité contre le Grand-Duché du Luxembourg du fait « du fonctionnement défectueux des services judiciaires en raison de la violation de l’article 6 de la Convention de ROME ».

La Cour d’Appel de Luxembourg a jugé que la question de fond, n’était pas dépourvue de pertinence et a saisi la Cour de Justice de L’Union d’une question préjudicielle…

Sur le fond, le salarié licencié voulait se voir appliquer les dispositions impératives et protectrices de la Loi Allemande, malgré le choix exprès prévu contractuellement au profit de la Loi Luxembourgeoise.

Il devait démontrer qu’à défaut de choix, la Loi applicable aurait été la Loi Allemande.

La question était dès lors de déterminer si l’application de la Loi devait être opérée au regard de l’article 6 paragraphe 2 sous a, ou au regard de l’article 6 paragraphe 2 du sous b, de la Convention de ROME.

Selon le Grand-Duché du Luxembourg, dans l’hypothèse où le travailleur n’accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, le « sous b » devait être appliqué c’est-à-dire la Loi du pays de l’établissement d’embauche.

Pour le requérant, et la Commission, l’interprétation de l’article 6 devait être opérée en fonction de son objectif, qui est d’assurer une protection adéquate aux travailleurs.

L’Avocat Général dans ses conclusions qui ont été intégralement suivies par la Cour de l’Union a rappelé que l’idée qui a toujours prévalu est :

– la loi applicable est celle du lieu où le travailleur s’acquitte de l’essentiel de ses obligations à l’égard de son employeur.

Que de plus, des textes plus récents qu’il s’agisse du règlement « ROME 1 » ou du règlement « BRUXELLE 1 » font également référence à « La loi à partir duquel le travailleur exerce ses activités ».

Ce principe étant acquis, la Cour a repris les éléments à prendre en considération pour prendre position :

– s’agissant d’activités de transport international, il faut examiner « le lieu où le travailleur reçoit les instructions sur ses missions et les exécute, ou le travail est organisé, le lieu où se trouve les outils de travail, les lieux de déchargement et le lieu où le travailleur rentre après ses missions ».

La présente affaire KOELZSCH est d’une importance décisive pour l’interprétation de l’article 6 § 2, sous a, de la Convention de ROME dans la mesure où du fait des exigences quant à un niveau élevé de protection des travailleurs, elle élargit la portée de cet article en ce sens que, pour la détermination du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail au sens de cet article, les éléments pertinents ne sont pas seulement le pays où le travailleur accomplit effectivement ce travail mais également le pays à partir duquel le travailleur accomplit ce travail.

L’objectif poursuivit est d’assurer une protection adéquate à la partie qui d’un point de vue socio-économique doit être considérée comme étant la plus faible dans la relation contractuelle.

Marianne TOURRETTE

Référence: arrêt de la Grande Chambre de la Cour de Justice des Communautés Européennes – 15 mars 2011 – arrêt Heiko KOELZSCH / Etat du Grand-Duché du Luxembourg –affaire C-29/10.

Cette contribution a été publiée en avril 20012 dans le Bulletin Spécial Europe du GREX GRENOBLE CENTRE DE COMMERCE iNTERNATIONAL